La Caisse Régionale du Crédit Agricole de la Réunion : le dialogue social au coeur de la gestion de la crise

Publié le 13/05/2020

Retour d'expérience de la Caisse Régionale du Crédit Agricole de la Réunion

La Caisse régionale du Crédit Agricole compte 848 collaborateurs à la Réunion. Rompue aux PCA (cyclone, Route du littoral), la Caisse a pu s’adapter rapidement aux nécessités de mise en œuvre d’un PCA pandémie et du télétravail. La vraie difficulté étant de pouvoir permettre la continuité de l’activité pour tous les collaborateurs au service du territoire et des clients fragilisés par la crise afin d’assurer le suivi client sur des opérations bancaires indispensables (statut d’OIV). Pour cela des applicatifs ont été déployés et d’autres fermés via les connexions à distance en mobilité afin de prévenir le risque de cybercriminalité. Le Directeur Général Adjoint fait remonter le constat d’un dialogue social plus constant et renforcé. Chaque problématique qu’elle soit d’ordre privée, technique ou professionnelle impactant la qualité du télétravail (garde d’enfants, ALD, dossiers PGE à compléter, etc.) a été traitée par les services. La notion d’entraide et de solidarité étant des valeurs fortes du Crédit Agricole, plusieurs actions de soutien ont été menées en dehors de l’activité métier. L’ensemble des acteurs de la chaîne de décision dans la réalisation du PCA Covid-19 a été mobilisé et un sentiment de fierté des managers est également prégnant. Un comité de déconfinement est mis également en place afin d’organiser la reprise d’activité mais de vraies questions restent en suspens sur la projection de l’organisation du travail, la réouverture des écoles et le statut juridique pour le salarié en télétravail soulevant des problématiques juridiques. Un CSE extraordinaire sera tenu dans ce sens le 11 mai.

 

Nom : Didier Estebe

Poste et fonctions : Directeur Général Adjoint

Données sur l’entreprise / l’établissement

848 salariés répartis entre le siège et les agences

 Photo Siège CA La réunion

 

Mise en œuvre du PCA :

  • 263 collaborateurs en agence
  • 20 collaborateurs qui sont repliés en agence dans le cadre du PCA au siège
  • 161 sont au siège
  • 194 sont en Télétravail
  • Soit 638 en activité (soit 75 % des effectifs) les 25% restant sont répartis comme suit :
    • 41 en arrêt pour motif covid-19
    • 84 qui sont en CP ou en RTT et 83 en autre motif d’absence (AMO ou maternité)
  • Soit un total de 208 absents

Depuis le début de la crise, le taux de présence se maintient entre 80 et 85% et depuis que le télétravail est mis en place cela représente entre 200 et 250 collaborateurs en TT.

Protocole en cas de suspicion covid-19 :

En cas de contact : le salarié est renvoyé chez lui pour test selon protocole ARS REUNION 5 jours de délai. Dès que le test est prononcé si résultat négatif alors reprise du travail. Si positif, le collaborateur bascule en arrêt covid-19

Question : Combien de cas ? 0 cas confirmés dont 6 cas de suspicion mais avérés négatifs.

1 collaborateur a été testé positif mais pas dans son environnement de travail.  Consécutif à un déplacement personnel hors département.

Organisation du PCA :

  • La gouvernance : ont mis en place une gouvernance réglementaire (le CA et toutes les autres instances) directement en audio. Ont supprimé les réunions de plus de 3 personnes et basculé en audio. Ont supprimé la visio pour préserver la consommation de bande passante informatique.
  • Une cellule de crise tous les jours pilotée par la DG et associe tous les membres du CODIR et une 30 de responsables de service qui représentent tous les métiers et localisation des salariés. Font le point sur les problèmes et partager les informations descendantes du Groupe, sur des initiatives nouvelles et sur la crise sanitaire en générale. Ex : des alertes sur des incivilités sur Mayotte donc mise en place immédiate de vigile devant chaque agence à Mayotte.
 

1) 300 collaborateurs au siège => le PCA avait pour objectif entre autres de désengorger le siège en repositionnant 70 à 80 collaborateurs dans les agences. => Mettre en place au siège les mesures de distanciation en séparant les collaborateurs d’une même équipe avec une équipe au siège et une en agence. Pas de difficulté particulière techniquement. Mais une technicité à prendre en compte car en amont 89 processus bancaires essentiels dont 34 jugés critiques à intégrer, à repenser.

2) Ont préparé le déploiement du télétravail :

  • Créé près de 600 connexions à distance. Avaient déjà déployé les ordinateurs portables pour 95 % des collaborateurs. Devaient livrer les 5% restant et ouvrir les canaux informatiques pour le TT. Puis identifier tous les applicatifs métiers dans le cadre du travail pour les mettre en application dans de bonnes conditions de sécurité. Soit un déploiement en plusieurs vagues
  • Pointer métier par métier les applicatifs essentiels (+ de 300) et travail avec les SI locaux et nationaux pour sécuriser le risque. 1ère vague : 60 collaborateurs du siège d’abord en PCA en agences qui ont ensuite basculé en TT. 2ème vague et 3ème progressivement soit 200 et 250 chaque jour. Puis un système d’alternance entre équipe A et équipe B => pour être éligible 1 semaine en TT et une semaine en physique au siège ou en agence => équité entre les salariés et face au client. Soit 250 lignes de TT SI ouvertes en permanence sur les 650.
  • Ont construit 4 guides entièrement recréés à partir de certaines infographies du domaine public :
    • Pour les salariés en TT : technicité de l’outil SI et la démarche de mise à disposition de l’ordi pour ceux qui n’avaient pas pris leur ordinateur avec eux.
    • Guide la 1ère connexion en TT : comment faire avec son wifi maison/partage de connexion avec mobile + hotline informatique pour les premières connexions
    • Guide du Télétravailleur : posture et bonnes pratiques sur la façon de gérer son TT en espace de vie de distance ergo, information auprès de son assureur pour couverture par son assurance. Informer sur les périodes de TT.
    • Guide du manager en situation de pilotage et d’animation pour créer des rituels et ne pas créer des situations d’isolement et le manager bienveillant + des postures managériales pour que lui aussi soit dans une situation confortable avec son équipe.

NB : 1 salarié est éligible au TT à partir du moment où il peut réaliser 50% de son activité sur des processus essentiels en TT et pour compléter l’affectation de tâches collectives transférées des agences. Par exemple chaque agence a une boite mail qui regroupe les demandes clients => donc traite les demandes dans les 50% restant pour compléter son taux d’activité et décharger les salariés en agence de cette tâche. Pour certains processus, ont dû modifier les schémas d’habilitation des salariés pour donner plus de pouvoir d’acceptation en agence pour la satisfaction client et pour gagner en réactivité. Ont aussi mis en place un dispositif en fin de journée de suivi du déroulement de la journée et du nombre de salariés connectés => prise en compte d’indicateur technique sur les temps de connexion : réseau interne, wifi et réseau 4G et s’assurer de la régularité sur les différentes plages horaires. Conservation en TT des mêmes horaires de travail mais incitation dans le Guide à faire des pauses, respecter le droit à la déconnexion et acceptation d’une éventuelle moindre productivité

Question : Quel impacts ?

  • Les alternants ou les stagiaires : les stagiaires sont retournés chez eux et les alternants sont restés en effectif mais pas en mode TT vu leur niveau de professionnalisation
  • Des difficultés avec la médecine du travail car la médecine du travail (Intermetra) ne pouvait pas faire toutes les visites de rentrée et les visites d’embauche. Le site internet permettant de commander le volet 3 du casier judiciaire le site est HS. Malgré ces difficultés ont confirmé quand même l’embauche selon le métier avec attestation sur l’honneur : agence en ligne (2 collaborateurs) et un assistant clientèle sans manipulation monétique (chéquier, répondre au téléphone mais pas de transaction bancaire) donc en front office.
  • N’ont pas mis en place de chômage partiel et les effectifs ont augmenté.

Quels autres outils déployés ?

  • Une plateforme psychologique est à disposition, que chacun peut appeler de façon anonyme. Le CA peut faire appel à l’action sociale au titre de la mutuelle pour une prise en charge psychologique et un cabinet de psy qui peut aussi se déplacer sur la Réunion et Mayotte.

Question : des appels ? Peu de retour car un seul contact par an pour point. Pas eu de demande de collaborateur pour être mis en contact avec action sociale mutuelle et aucun pour demande auprès du cabinet. Néanmoins, pour des raisons de confidentialité, chaque salarié peut contacter ces dispositifs sans information de l’employeur

La DG fait une communication régulière et une politique de valorisation et d’encouragement et de soutien auprès des salariés (communication interne, réseaux sociaux, presse)

Dans les cellules de crise la demande des cas spécifiques est gérée par les RH qui rappellent les collaborateurs pour les aider à régler des points spécifiques.

Question : exemples ? Points perturbants pour les parents de moins de 6 ans car la Préfecture et la CAF ont communiqué sur les crèches ouvertes et que les personnels des banques et assurances étaient prioritaires. Pour autant, par mesure de précaution les parents préfèrent garder leurs enfants à domicile et le statut du salarié est instable dans ce cas de figure.  Dans le même temps   pour les enfants de + 6 ans, les parents basculent sur une mesure garde d’enfants covid-19. D’où flottement, et le parent d’enfant de moins de 6 ans ne pouvait pas bénéficier des mesures covid-19. Donc les 0-6 ans des établissements ouverts avec des places réservées et les plus de 6 ans avec des établissements fermés. Ont choisi une stricte application de la loi avec prise en compte de quelques situations personnelles spécifiques. Certains salariés arrêtés pour motif enfants malades, d’autres pour congés exceptionnels. Ce qui a été compliqué : une phase de flottement sur les évolutions législatives fréquentes et de ce fait la remontée beaucoup de questions auprès de la DRH et des OS de la Caisse régionale.

  • La restauration : ont un restaurant d’entreprise avec 200 personnes qui y déjeunent => un système de distanciation en coupant le restaurant en 2 en gardant un espace pour déjeuner pour les collaborateurs et en créant un autre espace extérieur pour déjeuner => doubler la surface. Ont accepté de déroger au règlement intérieur et accepter que les collaborateurs déjeunent dans leur bureau. Puis ont supprimé les plats chauds pour éviter la manipulation et ont basculé sur un choix de 5 sandwichs tous les jours.

A destination de la clientèle :

  • Ont limité les ouvertures à la clientèle en agences de 8H30 à 11H30. L’après-midi les salariés restent travailler leurs dossiers sans accès par la clientèle. Ont mis en place les plexiglas sur les bornes d’accueil. Tous les collaborateurs en front office sont équipés de masques chirurgicaux pour. Des marquages au sol avec 1,5 m de distanciation. Tous ont du gel hydro ou solution hydro. Sur les périodes de risque de forte affluence (versement des minimas sociaux, minimum vieillesse) des vigiles filtrent et ne peut entrer et sortir qu’un seul client à la fois. Entrée principale de l’agence est fermée et les clients entrent par l’accès salarié pour plus de filtrage.
  • Des créneaux spécifiques pour les personnes âgées ont été mis en place pour assurer le versement du minimum vieillesse.
  • Une communication élargie de tous les processus de banque à distance via les outils du CA (ordinateur, tablette, banque en ligne, application mobile, plateforme téléphonique…etc). Pour les fournisseurs ont demandé de leur adresser les protocoles de sécurité dès lors qu’il y a une intervention sur site (exemple les entreprises de ménage, BTP etc.) et redéfinition des lieux plus exposés (exemple : les espaces de restauration, les poignées de portes, les gestes barrières, en cas de suspicion de contamination nettoyage de la totalité de l’agence par un prestataire) même chose pour des entreprises qui intervenaient pour les travaux avec limitation du nombre d’intervenants etc.)
  • Des signatures électroniques à distance mises en place pour les clients qui n’existaient pas avant.
  • Des initiatives de communication à travers les pauses crédit, les nouveaux dispositifs PGE de l’Etat

Ont mis en place un système d’action solidaire pour aider les EHPAD ou des associations pour livrer des repas aux plus démunis ainsi qu’une une plateforme en ligne www.jaimemonterritoire-ca.fr  et une autre solidaire pour les commerçants www.loop-market.fr  : je suis un marchand je m’inscris et je propose mes services, ou autres échanges entre réunionnais/mahorais (ex garde d’enfant, services à domicile et mise en relation offre et demande). La Caisse régionale fournit à titre gracieux les plateformes et les acteurs s’en emparent ex : l’interprofession des producteurs de fruits et légumes de la Réunion

Prévention des risques :

Un PCA cyclone qui existait et un autre PCA dans le cadre de fermeture de la route du littoral donc ont capitalisé dessus.

Suite à l’intensification des activités en mobilité et l’utilisation des outils numériques les collaborateurs ont été re sensibilisés sur le droit à la déconnexion. Des formations par e-learning ont été mises en place et les salariés ont eu accès à des modules de formations réglementaires. Exemple : 12 formations réglementaires qui doivent être réalisées en e-learning. Les risques liés : Sensibiliser les clients que dans cette période de confinement et d’opérations à distance il y a un risque accru de fraude externe. Ont un service propre et des correspondants à la Réunion. Ont fait beaucoup de prévention à ce sujet. N’ont pas eu de fraude liée aux usages numériques. + de 300 processus bancaires critiques et donc un niveau de sécurité qui n’est pas le même avec un wifi public et un wifi sécurisé en agence.

Une cellule spéciale de crise sur ce sujet a été mise en place et certaines applications n’ont pas été ouvertes en nomadisme. Une tentative de fraude au président a été détectée.

Dialogue social

  • A partir du 18 mars ont validé un modèle de CSE et CSSCT à distance en format audio et un système de vote des résolutions, ce qui permet de donner le détail des votes par chacun avec un retour dans les 48h de qui a voté pour limiter le risque de contestation.
  • 5 accords collectifs ont pu être signés sur la période
  • Même calendrier que d’habitude mais avec intensification des points de rencontre entre la DG et les OS : plusieurs audio CSE extraordinaires mais aussi deux fois par semaine des audios avec les membres de la CSCCT. Ont supprimé la commission préparatoire RIC (réclamation individuelle et collective) avec les OS pour intégrer les travaux dans les CSE. Ils répondent aux questions lors des commissions du CSE. Les membres de la CSSCT ont un point tous les mardis et jeudi et une audio pour retour dans la même journée. Négociation des accords : ont continué le calendrier des accords type les NAO. Ont mis en place un schéma de signature des accords en dématérialisé.

Constat : intensification des temps de dialogue social.

Constat global :

Ce qui ressort au niveau des managers : le sentiment de fierté d’être associé à la stratégie de l’entreprise. Dans la cellule de crise car crée un lien différent qui permet d’être encore plus entendu et avec un niveau de responsabilisation et d’utilité envers le client. Cette période renforce le lien de solidarité entre les équipes et les managers : l’objectif de servir le territoire est plus fort que les objectifs commerciaux. Vrai aussi pour les collaborateurs le sentiment de faire partie d’une partie de population de salarié privilégiée. La pérennité de l’emploi et le devenir de l’entreprise. Un dialogue social important et une reconnaissance vis-à-vis de l’entreprise. Des personnalités qui s’affirment et à l’inverse des personnes qui se fragilisent. Cela posera la question à la reprise du niveau d’engagement et de solidarité de chacun pendant cette période de crise, le niveau de reconnaissance des managers et de l’entreprise.

Après confinement

  • Une CSSCT et un CSE prévus pour valider le déconfinement : une 40aine de salariés sont en arrêt covid-19 garde d’enfant, ou vulnérables et toutes les structures d’accueil ne seront pas ouvertes (crèches, écoles…etc). Ce statut Covid-19 disparaît et les employeurs peuvent mettre en place le chômage partiel. Le Groupe Crédit Agricole a fait le choix de ne pas y recourir. Comment gérer les collaborateurs alors que l’Etat retire la mesure et que le groupe CA a convenu qu’il ne prendrait pas le chômage partiel ? De nouveaux modes de travail sont à imaginer pour les prochaines semaines.
  • Et une deuxième question : à partir du 18 mai les écoles reprennent : comment projeter mon organisation au 18 mai car cela suppose de savoir quel salarié pourra déposer son enfant ou refusera de le remettre à l’école ? quel statut pour le salarié en TT ? en congé ?

Donc des risques juridiques, opérationnels et organisationnels de l’employeur quand bien même les règles de distanciation, de protection collective et individuelle sont respectées. Un comité de déconfinement est mis en place et ont prévu d’en parler début mai et à priori un CSE extraordinaire qui suivra avant le 11 mai.