Le collectif de travail, une force au service du sens, de la performance et du bien-être au travail

Publié le 23/09/2020

Voici une expérimentation qui a pour but d’améliorer les conditions de travail et de vie au travail d’agents du secteur médico-social.

Informations sur le cas

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Présentation

Pendant plusieurs séances, ces dernières semaines, Thomas Jacquot, chargé de mission de l’Aract Réunion, a proposé une formation sur le collectif de travail à quinze professionnels de proximité d’une unité de la Maison d’accueil spécialisée de l’Est. La MAS accueille et héberge une cinquantaine d’adultes polyhandicapés ou cérébro-lésés sur le site du Pôle médico-social Philippe-de-Camaret, à Saint-Benoit. Celui-ci fait partie de la Fondation Père-Favron.

 

Demande de l'entreprise

La direction de la structure a souhaité initier cette expérimentation auprès d’une équipe, dans le cadre de la démarche d’accompagnement collectif menée par l’Agence régionale de Santé de La Réunion auprès de sept établissements. Sarah Rolland, cadre de proximité, a piloté concrètement les formations qui se sont tenues en petits groupes, pour une meilleure participation de chacun. Au final, quatre groupes et quatre dynamiques différentes, avec des personnes participant plus ou moins.

Démarche

Thomas Jacquot a utilisé une comparaison basée sur l’anatomie : premièrement, le travail collectif. C’est la tête qui pense le travail. Chacun a sa conception du travail collectif. L’enjeu est de partager la même avec ses collègues.

 

La comparaison a paru très claire aux professionnels qui ont partagé leur expérience : « Quand je vais au travail, je me prépare mentalement comme s’il allait y avoir une personne absente », a expliqué Marie-Eve. « En général, 10 % des effectifs d’une structure sont absents en moyenne », a précisé Thomas Jacquot. C’est une donnée qui peut être planifiée par les managers et les directions pour mettre en place un planning.

 

Ensuite l’activité collective. Ce sont les mains, celles qui exécutent l’activité demandée dans l’emploi. L’activité collective a plusieurs degrés qualitatifs : la simple coaction, la collaboration, et il faut viser la coopération et l’entraide. Gagner en performance et en qualité de vie au travail sera possible en atteignant ces deux derniers stades. « Il s’agit de communiquer, de faire ensemble », affirme Marie-Eve. Elle explique que le degré atteint dépend de sa collègue de travail : avec certaines c’est de la collaboration, avec d’autres de la simple coaction. « L’objectif est que la coopération soit possible avec n’importe quel collègue », poursuit Thomas Jacquot.

 

C’est tout l’enjeu du dernier élément de la comparaison : le collectif de travail, qui est représenté par les muscles et les nerfs du bras, entre la tête et la main. Ils permettent l’interaction de ces deux pôles. Le collectif de travail doit être amélioré, peaufiné par un échange permanent et des discussions. « Est-ce que cela fonctionne chez vous ? », demande Thomas Jacquot. Selon Magalie, aide-soignante, « nous essayons, mais ce n’est pas toujours évident, car le collègue n’entend pas forcément ce que nous disons ».

 

« Si deux muscles antagonistes se contractent en même temps, le bras est paralysé », déroule Thomas Jacquot. Les agents doivent développer ce muscle eux-mêmes, en partageant des règles de métier communes, par la reconnaissance des compétences et par la confiance, un sentiment qu’il est difficile, mais ô combien important, de faire naitre. « Avec certaines collègues, nous nous comprenons simplement en nous regardant, même sans parler », décrit Christine, aide-soignante.

 

Se mettre d’accord sur une fiche de poste commune, c’est trouver un compromis entre les logiques de chacun. Il faut évidemment dépersonnaliser les choix pratiques, parler organisation du travail, et non de personnes. «Nous pensons que nos valeurs sont partagées par tous les autres, alors que c’est faux », rappelle Thomas Jacquot. Par exemple, la définition de la qualité de vie au travail (QVT) ne sera pas identique d’un individu à l’autre. Alors s’exprime la puissance du groupe, qui permet d’éviter les conflits de personnalités. « Plus le collectif est fort, plus les mains ont le pouvoir, résume Thomas Jacquot. Elles peuvent alors influencer la direction. »

 

L’urgence est donc de définir collectivement des critères de QVT et de contenus du travail. Les personnels de cette unité ont déjà mis en place des protocoles de travail pour certains résidents. « Nous avons construit cette procédure ensemble », illustre Sarah Rolland. « La meilleure solution est celle dans laquelle tout le monde s’engage, poursuit Thomas Jacquot. Ce n’est pas du tout un management arbitraire. » Mais attention à ne pas dépasser ses limites sous le coup de cet enthousiasme collectif, car alors l’épuisement peut vite arriver.

 

Les participants à la formation ont émis le souhait d’un temps de rencontre tous ensemble. Les contraintes d’organisation du service, qui est ouvert en permanence, rendent délicate la mise en place d’une telle initiative. Se donner une vision commune de ce qu’est un travail collectif : cette formation n’est qu’un premier petit pas pour s’engager sur cette route. Le plus difficile est de commencer, car les résultats ne peuvent se faire sentir qu’au bout d’un certain temps.

 

Pour encourager les agents, Thomas Jacquot a évoqué le cas de deux bureaux de poste situés dans deux endroits différents, tous les deux dans des quartiers populaires. L’un a eu un fonctionnement catastrophique, car il n’y avait pas de collectif de travail, pas de coopération ni de vision commune. Résultat : une équipe en souffrance et un turn-over important. L’autre bureau, fonctionnant sur l’entraide entre collègues, a pu passer un cap délicat en s’appuyant sur la force d’un groupe uni, y compris pour trouver des solutions, comme de vendre des enveloppes timbrées à l’unité (et non par paquet de dix, comme c’était prévu), puisque les clients ont de faibles revenus et ne veulent en acheter qu’une.

Bilan

L’idéal serait maintenant une suite à cette première formation. La cadre de proximité attend une remontée de ses équipes pour clarifier les activités de chaque poste. Il attend que les professionnels soient forces de proposition dans l’élaboration des règles, « parce que c’est vous qui savez faire », dépeint Mme Rolland. « Souvent, nous préférons garder le silence », reconnait Germaine, aide-soignante. Le silence organisationnel est le signe que quelque chose ne va pas.

 

Dans l’exemple ci-dessus décrit, le Pôle Médico-Social Philippe de Camaret a choisi de se faire accompagner par l’Aract Réunion pour initier une dynamique centrée sur le pouvoir d’agir des équipes et remettre en place des discussions/débats avec les équipes sur la façon d’envisager leur travail au quotidien. La venue de Thomas Jacquot en tant que consultant de terrain a été en ce sens une aide très précieuse.