Le Délice Oi associe ses salariés à la conception de son futur site de production

Publié le 25/11/2019

Comment une entreprise d’agroalimentaire a saisi l’opportunité du changement de locaux pour améliorer les conditions de travail de ses salariés.

Informations sur le cas

PE (20 à <50)
Services marchands

Présentation

Le Délice OI est une entreprise familiale de l’île de la Réunion spécialisée dans le snacking avec la production de sandwichs, de salades et de desserts. L'entreprise a été accompagnée dans son projet de déménagement et de conception d'une nouvelle usine à Cambaie.

Le Délice OI est une entreprise familiale et artisanale créée en 2009, spécialisée dans le snacking avec la production de sandwichs, de salades et de desserts. L’entreprise n’hésite pas à innover et teste régulièrement de nouvelles recettes. Ses produits sont vendus dans l’ensemble de l’île à la fois dans les stations-services, les petites et moyennes surfaces et les boulangeries. Elle travaille également avec la mairie de la commune pour fournir les repas des enfants de l’école primaire. L’entreprise est composée de 22 salariés dont 14 personnes à la production, 1 magasinier, 6 livreurs/commerciaux, 1 secrétaire et 1 chargée commerciale.
La production se déroule en 2 équipes (7h-14h et 14h-21h), 5 jours par semaine avec jours de repos roulants car l’entreprise produit 7 jours/7. Chaque équipe a un chef d’équipe et 1 ou 2 responsable(s) de ligne qui organise le travail de salariés polyvalents. Hormis l’utilisation d’appareils pour découper le pain et mélanger la sauce, le travail d’assemblage des sandwichs, des salades et d’étiquetage se réalise manuellement. Le magasinier est en charge de la logistique et joue un rôle central dans le fonctionnement de la production. Il réceptionne les produits des fournisseurs et gère l’inventaire du stock. Les 6 livreurs commerciaux commencent le travail à 5h. Ils vont charger les caisses à livrer chez les distributeurs sur le site de production avant de démarrer leur tournée. Celles-ci se répartissent logiquement par secteur géographique. Une chargée de clientèle assure la relation avec les clients tandis qu’une secrétaire s’occupe des tâches administratives et d’une partie de la comptabilité. Le dirigeant qui vient de prendre la succession de son père est jeune. Il connaît bien le travail de ses salariés pour avoir lui-même travaillé dans l’entreprise et a pleinement conscience de la pénibilité de certaines tâches. En revanche, des problèmes soulevés par les salariés dans le fonctionnement des équipes n’ont pas encore trouvé de réponses.

 

 

Demande de l'entreprise

Avant l'intervention, l’atelier de production qui se situait au sous-sol d’une maison posait des problèmes d’espace freinant le rythme de la production et accroissant la pénibilité du travail. Etroit et accidenté, l’accès au camion de livraison avait également des conséquences sur le travail des livreurs commerciaux. Le Délice OI préparait alors un projet de déménagement avec la construction d’une nouvelle usine à Cambaie depuis 3 ans. Ce déménagement devait se traduire par un passage de 160 m² à 1000 m² dans la nouvelle usine (600 m² au rez-de-chaussée et environ 400 m² à l’étage pour les bureaux, les archives et une salle de réunion/repos). Le volume de production allait fortement augmenter avec un objectif de passer de 1 million à 5 millions de sandwichs par an - grâce à la mécanisation de certaines tâches (telles que l’emballage, l’étiquetage, le tranchage du pain et la mise de la sauce).

Démarche

« Nous commencerons dans un premier temps par produire ni plus ni moins ce que nous faisons actuellement et dans un second temps on évoluera progressivement en fonction de nos nouvelles capacités ». Le responsable
Le projet d’agrandissement a invité l’entreprise à saisir l’opportunité du changement pour améliorer les conditions de travail de ses salariés tout en restant vigilant à ne pas bouleverser l’équilibre trouvé par chacune des équipes dans la manière d’agir collectivement. L’étude a mis en évidence des problématiques d’espaces qui contraignaient les opérateurs à des rangements réguliers pour libérer les zones de passage, à l’obligation de porter les bacs d’ingrédients d’une main lors de la production des « Croust’wichs », des galettes et des « clubs », à la limitation de l’utilisation des chariots pour porter les bacs d’ingrédients, à des rangements au sol et en hauteur. Cela entrainait des manutentions supplémentaires et des postures contraignantes telles que le dos courbé et les bras tendus au-dessus de la ligne du cœur qui exposent les salariés à des risques de troubles musculosquelettiques (TMS). Au regard de la répétitivité des gestes et surtout du rythme exigé lors des journées durant lesquelles il y a une forte demande, les risques étaient importants. Lorsque l’étude s'est concentrée sur les caractéristiques organisationnelles de la production, les intervenants ont constaté une forme d’organisation de « type apprenante ». Les salariés participent à l’ensemble du processus de production et bénéficient d’une autonomie qui leur permet de développer des capacités et d’atteindre les objectifs demandés.
Bien que les demandes soient parfois conséquentes, les salariés disposent d’une forte latitude décisionnelle pour y faire face. Les salariés qui ont développé des routines communes et une représentation partagée de l’activité ont la possibilité de communiquer entre eux et d’ajuster ensemble leur activité en fonction des évènements. Ils décident collectivement et souvent implicitement du séquencement et du rythme des actions à réaliser. Ces conditions donnent une part de responsabilité importante aux salariés et leur permettent de ressentir un sentiment de fierté devant le travail accompli.
Il était important que cette forme d’organisation soit préservée dans la future usine, c’est à dire que les salariés gardent les marges de manœuvre suffisantes dans la manière de faire leur travail de façon à développer des savoir-faire techniques et organisationnels et continuer à donner du sens à ce qu’ils font.
A contrario, des tensions non résolues perduraient par un manque à la fois de réunions entre l’ensemble du personnel et de suivi dans les décisions prises. Des solutions proposées par les salariés n'étaient pas accompagnées. Cette situation générait un sentiment de démotivation chez les opérateurs et mettait à mal le collectif. Des tensions entre les équipes du matin et du soir existaient et s’observaient lors des changements, quand les salariés évitent de se croiser.
Pour ce qui concernait les livreurs commerciaux, l’étude a rendu compte du fait qu’ils étaient totalement impliqués dans les objectifs en termes de résultat de l’entreprise. La gestion du cadencier est un élément déterminant de leur motivation. Repartir avec un camion vide semble constituer un véritable challenge et exige un calcul et un sens aigu pour estimer les ventes.
Les livreurs trouvent du sens dans leur travail grâce à leur influence dans les résultats des ventes de l’entreprise. Ils ont besoin pour cela d’un soutien de leur hiérarchie qui se traduise par la diffusion à l’ensemble de l’équipe des informations nécessaires sur les résultats, de temps de discussion pour recueillir les remontées du terrain, de réfléchir ensemble à la stratégie et d’assurer un suivi des actions mises en place.
Des observations et des échanges auprès des équipes de production du matin et du soir ont eu lieu afin de réaliser un diagnostic des situations actuelles de travail et d’identifier des axes d’amélioration.
Un entretien collectif de 2h auprès de la secrétaire, de la chargé clientèle et du magasinier ainsi que des entretiens individuels d’environ 45 minutes avec trois livreurs commerciaux ont permis d’appréhender les besoins et les attentes concernant le déménagement et d’améliorer la compréhension des situations de travail actuelles. Des questions sur les conditions matérielles et organisationnelles de leur travail, sur le rapport qu’ils entretiennent avec leur activité au regard de leur autonomie, leur marge de manœuvre, leurs valeurs, et concernant leur point de vue sur les changements à venir ont été posées.
Enfin un travail de simulation du travail sur une maquette dans la future usine a été réalisée avec les salariés et a permis de soulever des inquiétudes et de partager les enjeux liés à l’agrandissement et au déménagement.

 

Bilan

En vue du futur déménagement, la présentation des résultats de l’étude au responsable, puis à l’ensemble des salariés a permis de dégager des axes de réflexion tant sur l’environnement physique du travail que sur le maintien d’une dynamique collective :
•    Le responsable a fait part aux salariés de ses réflexions pour réduire la pénibilité et notamment éviter les rangements en bas et en hauteur
•    Une réflexion sur une salle de repos est à l’étude suite au constat qu’elle n’avait pas été prévue dans le plan initial
•    Le constat général d’un besoin de davantage de discussion entre l’ensemble des salariés et de suivi dans les actions à mener
•    Un point de vigilance sur l’importance de l’autonomie des équipes dans la manière d’organiser la production dans la future usine
•    Une réflexion sur le processus d’intégration des nouveaux
•    Une zone de chargement plus sécurisée pour les livreurs commerciaux.