Concours de nouvelles : "Le goût des actions'", par Marie-Annick Aubras M’Nemosyme

Publié le 02/03/2021
Publié le 02/03/2021

Voici l'avant-dernière nouvelle sélectionnée pour notre concours sur le thème du monde du travail. Retrouvez toutes les informations sur notre site web en tapant concours de nouvelles dans la barre de recherche. Une vidéo est également visionnable sur notre compte Youtube Aract Réunion.

Le goût des actions

Marie-Annick Aubras M’Nemosyme

L’ordinateur allumé, installée dans son fauteuil, la jeune femme de vingt-quatre ans nouvellement diplômée parcourait chaque jour les annonces d’offres d’emploi correspondant à son profil. Elle n’hésitait pas à envoyer des candidatures spontanées à différentes entreprises afin de se donner des opportunité, même débutantes dans le métier.

C’était le 13 décembre et en lisant ses mails, Sophie avait eu en cette douce matinée une bonne nouvelle d’une structure qui recherchait une secrétaire bilingue et son curriculum vitae avait été retenu dans une sélection pour un entretien d’embauche. Le poste était à pourvoir pour la nouvelle année. Après plusieurs jours d’attente, la jeune femme se voyait enfin récompensée de ses efforts. Fébrile et incapable de rester en place, elle ne quittait pas les aiguilles de sa montre qui lui indiquaient l’heure de partir pour trouver sa place au sein du personnel dans le Centre Vacances Ouest ; plus simplement appelé le CVO.

Sophie se réveillait à 6 h chaque matin. Pour garder la forme et assurer sa journée, elle ne manquait pas son petit-déjeuner avec du café au lait, une tartine beurre-confiture de goyavier et un grand verre de jus frais d’ananas Victoria qu’elle aimait se préparer. Elle s’accordait le temps nécessaire dans la salle de bains et très coquette, Sophie portait aussi bien des robes, des pantalons ou des combinaisons qui mettaient en valeur sa peau brune. Des chemisiers fleuris ou unis accompagnaient souvent ses jupes qu’elle accommodait avec des chaussures à talon. Ses cheveux très longs et noirs dansaient au gré de sa démarche ou en fonction du vent. Elle ne manquait pas de teinter ses lèvres d’un rouge cerise et de maquiller ses yeux marron clair aux longs cils.

Nommée secrétaire bilingue au sein du CVO Côt&Mer, Sophie aimait être en contact avec la clientèle qui prenait souvent rendez-vous avec elle pour la visite des lieux. L’ensemble total représentait une soixantaine de bungalows, ouverts en toutes saisons mais qui connaissait sa plus grande affluence pendant les vacances d’été. Le remplissage des bungalows traduisait de bons services apportés à la clientèle qui en était satisfaite et les demandes croissantes montraient un vif intérêt au lieu et au repos recherchés par les familles. Ce n’est qu’après une journée bien remplie entre des visites et les signatures des contrats de location que Sophie passait voir Émilie, avec qui elle avait lié une belle amitié pour partager ensemble des discussions secrètes. Sur le trajet du retour la jeune femme pensait à son principal objectif qui était de devenir une directrice renommée en événementiel, dans le milieu artistique. Elle tenait avant de trouver le travail idéal, à faire valoir sa contribution personnelle qu’elle voulait être efficace à tous points de vue ; le poste à Côt&Mer arrivant à point nommé pour une vraie première expérience professionnelle.

La responsabilité et le dévouement dont la jeune femme faisait preuve en tant que secrétaire bilingue amena rapidement son directeur à lui accorder son entière confiance. Celui-ci lui avait donné la possibilité de gravir l’échelle professionnelle en tant qu’Assistante de Communication avec une prise de décisions et d’initiatives importantes pour valoriser davantage le CVO. Le salaire lui permettait également de viser plus loin et d’épargner une belle partie pour ses futurs projets.

Les bungalows se remplissaient avec les premiers locataires déjà arrivés sur le site, goûtant aux vacances qui s’annonçaient dans un climat convivial et les groupes d’enfants laissaient exploser leur joie en s’adonnant aux activités déjà mises en place par les animateurs. En faisant la mise à jour du planning de réservation, Sophie constata que celle pour le bungalow Atérla venait d’être annulée et mit aussitôt sur le site une annonce concernant la disponibilité. C’est avec engouement que Sophie fit visiter le logement au nouvel arrivant. Il l’accompagna dans le bureau afin de remplir le contrat de location et pour récupérer les clés. Il semblait être quelqu’un de posé, prêt à profiter pleinement de son séjour. La jeune femme sut à ce moment-là qu’il était un des animateurs recrutés pour les vacances. Pour ne pas regagner son domicile loin de Côt&Mer chaque jour, il avait donc fait le choix de louer le bungalow Atérla qui proposait plus d’avantages qu’une chambre d’hôtel pendant toute la durée de son travail.

En lui adressant un sourire, Sophie lui souhaita la bienvenue en lui remettant le programme hebdomadaire et l’équipement utiles aux animateurs. Il était très bel homme ; ayant Adrien comme prénom, décontracté, vingt-six ans, grand, assez athlétique. Elle fit mine de ne pas trop s’y attarder en se plongeant dans son travail. Les journées bien que chargées passaient rapidement et Adrien trouvait de plus en plus d’excuses à venir dans son bureau à l’heure où elle devait partir… pour la retenir.

Il avait besoin soit de connaître les prix des différents menus extra ou encore de savoir les conditions de réservation hors périodes de vacances pour d’autres amis. Adrien prenait tout son temps pour poursuivre une conversation, appréciant secrètement les traits, le physique et le charme de Sophie. Le jeune homme aujourd’hui sans attaches amoureuses portait un regard délicat sur cette jeune femme l’ayant accueilli à son arrivée. Il n’avait pas vu d’alliance à son doigt et il comptait bien la séduire ; un petit peu chaque jour… Il la complimentait sur son travail, non pas pour la mettre mal à l’aise mais en lui faisant comprendre qu’elle ne lui laissait pas indifférent.

- Si vous me permettez… Sophie… je choisis de vous appeler par votre prénom car je trouve que c’est plus sympathique. En plus qu’il vous va bien, vous apportez rapidement des réponses à votre interlocuteur...et cela est agréable lui disait-il. Avec un grand sourire, la jeune femme spontanée et naturelle répondit à Adrien : - Vous pouvez le faire. Ce n’est pas gênant et ici c’est une habitude entre personnel, surtout qu’on sera amenés à nous voir assez souvent pour l’organisation du travail. Et puis, le CVO Côt&Mer tient à apporter la sérénité et l’égalité de traitement entre tous. Son cœur lui laissait déjà ressentir une belle sensation…malgré elle. La vie à Côt&Mer s’écoulait au gré des envies personnelles des résidents ; locaux ou même étrangers. Les rencontres lors des défis et jeux entre eux leur permettaient aussi de passer de très bons moments. Les rires, les repas pris en commun dans la salle de restauration et les prestations musicales témoignaient de la bonne humeur qui y régnait. Adrien, compétent et très sérieux, savait comment prendre le contrôle des choses en faisant participer les vacanciers et organiser des animations qui ravissaient les familles.

Sophie de son côté, tenait à ce que chaque salarié-e ait une belle qualité de vie au travail, évitant d’éventuels conflits. La bienveillance envers chaque membre traduisait un respect personnel et collectif.

Côt&Mer tenait à ces principes essentiels avec une réunion trimestrielle planifiée avec le directeur. Pendant quatre ans, Sophie avait passé d’agréables moments dans ce lieu. C’est en rangeant une dernière fois son bureau qu’elle sentit une émotion l’envahir. La jeune femme voulait garder au fond d’elle la fierté d’avoir réussi son pari ; en réunissant les meilleures conditions pour apporter sa contribution auprès de chaque membre du personnel. En fermant la porte du bureau et en remettant les clés à Jin le concierge, Sophie garda dans son téléphone de merveilleuses photos, de beaux souvenirs partagés avec ses collègues, avec Émilie et surtout les doux moments de sa vie amoureuse avec Adrien. Il était temps pour elle d’aller poser ses valises loin de son île pour travailler dans une grande entreprise américaine qui satisferait ses envies et réaliserait ses plus grandes ambitions.

Il était l’heure aussi de laisser derrière elle les beaux paysages qui entouraient le Centre Vacances Ouest Côt&Mer.

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