Concours de nouvelles : "Le monde du travail, Le manifeste", par Fernanda Blanc

Publié le 02/03/2021
Publié le 02/03/2021

Voici "Le monde du travail, Le manifeste", par Fernanda Blanc. C'est une des nouvelles qui nous a été proposée pour notre premier concours sur le thème du monde du travail. Retrouvez les informations sur le palmarès en cliquant sur le mot-clé en bas de l'article.

Le monde du travail, Le manifeste

Fernanda Blanc

Je veux que vous réfléchissiez, un instant, au « travail ». Cessez de le considérer comme acquis et réfléchissez-y vraiment. Je vous promets, vous allez trouver que les lieux de travail vous apparaîtront comme un sujet digne de votre observation. Commençons par l’acte de travailler par exemple. Depuis petit nous voyons nos parents, et/ou adultes dans notre entourage, se réveiller de bon matin, s’habiller « correctement », se déplacer pour passer la journée loin, de leur habitat et famille, et aller au travail... Un lieu pas encore défini. Nous sommes fortement conseillés depuis tôt à faire des études pour grandir et avoir un métier. Ou du moins, essayer de trouver une activité, manuelle ou intellectuelle, régulière qui nous apportera une rémunération. Pour la grande majorité des cas, cet acte englobe le fait d’aller dans un lieu, toujours indéfini, et rester derrière un bureau de façon obéissante entre 9 h et 18 h. Il s’agit d’une action automatique. Le réveil sonne et la suite c’est : se lever, se préparer et partir.

Le fameux « métro, boulot, dodo. » Pas de question. Pas de déviation. Pas de pause pour contempler le repas du matin ou la famille. Même nous, avec nos revendications de libre arbitre, nous avons une adresse à pointer avec une simple table et chaise qui nous attend tous les jours, quelque part. Nous ne pouvons pas faire autre chose que d’y aller. Dans le cas où une personne perdrait son emploi, son but constant est d’en trouver un autre.

Bon, ce n’est pas de notre faute. La société nous a rendu sainsi. Désormais le travail a changé de forme et est amené à prendre celle que nous connaissons aujourd’hui. Avec l’envie de progresser nous avons créé des besoins. Avec des besoins, le cycle recommence et nous sommes renvoyés à l’illustre adresse, pointer avec la simple table et chaise qui nous attend. Heureusement, de plus en plus, le travail cesse d’être uniquement un moyen de gagner de l’argent, mais devient aussi un moyen d’expression, une façon de devenir soi-même ; dans certains cas une passion. Cela suggère que notre emploi, notre métier, peut éventuellement définir qui nous sommes, en tout cas, refléter quelque chose de notre personnalité. Maintenant, allons au-delà de l’activité. Quand nous partons « travailler », nous partons quelque part, non ? - Pas forcement, je sais. Mais laissons le domicile de côté dans un premier temps. - Donc, cet acte de partir demande un lieu. Un lieu déterminé, fixe ou variable, atelier, usine, laboratoire, bureau, etc.

Une fabrique de chocolat va être dessinée de façon à faciliter la production en série, une salle de réunion doit être capable de porter l’interaction entre les présents ainsi qu’un écrivain ou un comptable ont besoin de leur concentration, etc. En réalité, de la même manière que l’action de travailler a évolué, ces lieux ont également été transformés. Au fil du temps, avec des ajustements aux changements, différents modèles d’organisation spatiale apparaissent. Logiquement, plusieurs activités génèrent alors, plusieurs typologies. C’est à chaque organisation de choisir selon leur modèle de gestion adopté et la manière avec laquelle cette société occupera l’espace physique. Votre simple table et chaise n’auront pas le même effet sur vous, ou sur votre travail, s’ils sont collés face à un mur isolé dans une salle clôturée sans lumière naturelle, ou s’ils font face à une grande fenêtre avec un beau paysage dans un « open espace ». Cette configuration-là ne marche pas si vous travaillez dans un laboratoire, dans un restaurant ou une pharmacie, par exemple. - évidement ! - Dans une rigidité d’influence un peu plus hiérarchisée, voire militaire, un patron aura une salle plus grande pour délimiter sa position de supérieur, afin de réitérer la notion de contrôle. Et ainsi de suite.

Nous commençons à nous rendre compte qu’un espace de travail peut (et il le fait !) déterminer la manière de maîtriser le comportement et/ou établir une hiérarchie, n’est-ce pas ? Dispositions rigides, ligne de production, système intégré, confidentialité individuelle, inter-connectivité, libre circulation, flexibilité, entre autres, sont les principes, ou plutôt les contraintes, qui nous amènent dans notre rôle d’architecte, à produire des espaces soi-disant « architecture organisationnelle ou de travail ».

Passons au prochain point de réflexion, vous me suivez ? Nous allons parler de l’action de travailler ainsi que des lieux de travail en eux-mêmes. Vous êtes d’accord que l’agencement de ces espaces, tel que mentionnés, nous amènent à penser uniquement à des espaces d’intérieurs ?! Il nous faut donc évoquer l’enveloppe, le bâtiment qui comportent ses milieux. Lentement, les besoins (et nous retrouvons encore ce mot) de la création de ces espaces va s’opérer pour accueillir des travailleurs. Plus de travailleurs, moins d’espace. Moins d’espace, plus de bâtiments.

Ce surplus, installe par nécessité ou par stratégie de densification, un besoin et/ou une envie de construire encore, et encore, et encore... Les construire où ? Comment ? Bon, certains modèles de construction déjà fabriqués ont fonctionné ?! Alors il doit, tout simplement suffire de les répéter non ? Modifiez un peu ici et un peu là et c’est tout (c’est encore de l’ironie). Nous devons admettre que même si certains architectes essaient de se battre et d’échapper aux influences existantes, ils finissent généralement par tomber dans de vieux stéréotypes obsolètes. Ils, ou plutôt nous devrais- je dire, ne sommes pas complètement les seuls responsables. Les effets de la globalisation incitent à avoir leur participation dans le processus. Tout cela engendre une modification de notre rapport au territoire ainsi que les paysages globaux de nos villes. Comment pouvons-nous générer des panoramas hétérogènes afin d’engendrer une contemplation plus captivante ? Et est-ce possible ?

In fine, tout est en place pour débattre et explorer. D’abord l’influence et l’apport des lieux de travail (intérieur et extérieur) aux individus. Au fond, si notre métier peut définir qui nous sommes, notre espace de travail a également son influence. À palabrer aussi, la relation de ses espaces avec les territoires. Est-ce qu’il faut, en effet, faire tout différemment ? À partir d’où on (re ?) démarre ? De zéro ? Après tout, où commence la métamorphose ? C’est l’individu qui change l’espace/paysage ou bien est-ce l’espace qui change l’individu/paysage ? Observons donc les espaces de travail vécus, expérimentes ou aperçus. Allons voir ailleurs. Comment font-ils dans d’autres pays et territoires ? Préparons donc notre obturateur, nos yeux. Ils vont nous permettre, comme dans la caméra, de faire passer la lumière avant de capter les moments observés. Et pour ça, nos lentilles ont besoin d’être propres. Nettoyons alors notre esprit. Ça va certainement diriger notre regard et le focaliser.